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Comment Brel a écrit Vesoul

Jacques Brel en 1960.

Jacques Brel en 1960. - AFP

La cité franc-comtoise se réjouit encore que la chanson de Jacques Brel lui ait offert une renommée inespérée. Vesoul, Vierzon, l'accordéon et le grand Jacques, voici l'histoire de Vesoul.

La chanson s'appelle Vesoul, mais elle pourrait s'appeler Vierzon, Honfleur ou Hambourg... Quarante ans après la mort de Jacques Brel, la ville franc-comtoise s'en frotte encore les mains. "Personne n'est foutu de situer Vesoul sur une carte mais tout le monde connaît la chanson", se réjouit ainsi Denis Roll, ancien adjoint à la Culture de la ville, interrogé par l'AFP pour l'occasion.

Le 23 septembre 1968 le chanteur enregistrait Vesoul, au refrain si réjouissant: "T'as voulu voir Vesoul et on a vu Vesoul".

Tout commence le 28 juillet 1960. Entre deux récitals, Jacques Brel fait escale à Vesoul. Il séjourne à La Bonne Auberge. Là, le chanteur auraient promis aux tenanciers des lieux, de citer la ville dans une chanson. Leur fille en est encore tout émue et se souvient: "il a mangé le midi et il a beaucoup parlé avec mes parents". Elle brandit pour le reporter de l'AFP le livre d'or signé de la main de l'artiste et ce mot: "Avec ma plus gentille chanson, très sincèrement, J. Brel".

"Une amourette à Vesoul"

La légende veut ensuite que Brel soit revenu à Vesoul en 1967, au gré d'une panne de voiture. Cette fois-ci il séjourne au Grand hôtel du Nord. Chambre 246, se souvient la patronne.

C'est à Vesoul également que nous emmène le livre de David Dufresne, On ne vit qu'une heure, Une virée avec Jacques Brel. L'auteur y saisit comme prétexte une enquête à Vesoul, sur les lieux de la fameuse chanson, pour évoquer l'artiste. Un livre qui, contrairement à la chanson - "l’histoire d’un gars qui voudrait voyager mais qui ne va pas où il veut aller et qui se fait mener par le bout du nez" - parle vraiment de Vesoul. Ville emblématique de cette France périphérique "oubliée de Paris et des grandes agglomérations".

"Ce qui m’a amusé, évoque David Dufresne dans Paris Normandie ce sont les certitudes et les versions des uns et des autres. Comme le dit un éditeur local, la raison de cette chanson est devenue un mythe. Pour certains il est venu en voiture et est tombé en panne, pour d’autres il n’a pu se poser avec son avion, alors qu’il ne pilotait pas à l’époque. Ce qui est sûr, c’est qu’il est venu à Vesoul mais qu’il n’y a pas joué, puisqu’il a chanté au casino de Luxeuil-les-Bains. En fait, il aurait eu une histoire, une amourette à Vesoul, bref une bonne soirée. Il aurait choisi Vesoul pour la sonorité du nom. Il y a en tout cas une vraie fierté des gens de Vesoul d’avoir leur chanson."

"C'est une chanson de fin de séance sur laquelle il ne comptait pas beaucoup"

L'histoire de l'enregistrement de Vesoul, l'accordéoniste Marcel Azzola, la racontait en juillet 2017 sur France Inter. "C'est une chanson de fin de séance sur laquelle il ne comptait pas beaucoup. Cette chanson il l'avait écrite comme un jeu."

"Il leur reste dix minutes d’utilisation du studio, Chet Baker l’ayant réservé, il attend son tour à la porte. Ils vont faire deux prises. La chanson n’est pas tout à fait aboutie et Brel demande à Marcel Azzola de lui faire de la dentelle. Azzola a un moment de grâce et c’est l’envolée si célèbre", raconte David Dufresne.

C'est là que Jacques Brel lance le "Chauffe Marcel", à l'attention de son accordéoniste, devenu une expression. Azzola raconte "Ce 'Chauffe Marcel, finalement c'était déjà dans le langage des jazzmen, donc je n'ai pas été étonné de ce 'chauffe Marcel'". Selon lui, Jacques Brel veut même intituler la chanson Azzola-Vesoul.

"Je lui ai dit 'non, Jacques'. Je pense que la chanson n'aurait pas fonctionné, s'il y avait eu Azzola-Vesoul, on se serait dit 'qu'est-ce que c'est que ce truc, il veut faire de la pub à son accordéoniste!".

Et pourquoi pas Vierzon

Manque de chance pour Vierzon, également citée dans la chanson, avant Vesoul, même, le nom de la ville, est écarté du titre. Vesoul devait s'intituler Vierzon-Vesoul, mais ne sera que Vesoul. Dans le Berry, la déception est grande. A tel point qu'un auteur vierzonnais, Rémy Beurion consacre un livre au sujet, intitulé Ta Belgitude... Ma Vierzonitude.

Interrogé dans le Berry Républicain, il parle même de "traumatisme". qui viendrait "du fait que la chanson ne s’est jamais appelée Vierzon mais qu’elle commençait par Vierzon. C’est là toute l’ambiguïté". A Honfleur, personne ne pleure, ils s'en moquent, ils ont Henri Salvador et Mourir à Honfleur.

Magali Rangin